Une petite fiction inspirée par actualité et quelques discussions
J’ai l’impression d’avoir de la glace autour du nez. Bien au chaud dans ma couverture, sur la banquette arrière de ma voiture, je me réveille. Par la fenêtre, j’aperçois les premières lueurs du jour qui commencent à bleuir le ciel. Il faut que je me lève, mais je n’y arrive pas. Rien qu’en bougeant, je sent le froid qui se glisse dans les repli de mon sac de couchage improvisé, et je n’ai pas envie d’en savoir plus. Comme tout les matins depuis quelques jours, je lutte, rester au chaud et tout laisser tomber, ou me lever et me battre. Dur ! Finalement je sort de mon cocon d’un coup et je bouge, je bouge tout ce que je peux comme muscles pour essayer de faire disparaître ce froid qui glace, qui pique. Je passe rapidement sur le siège passager pour récupérer les vêtements que j’avais mis à réchauffer toute la nuit, bien à plat sous la couverture. Il faut maintenant que j’escalade tout mon bazars pour atteindre le coffre de mon break et récupérer pantalon, chemise et veste disposés bien à plat pour ne pas les froisser.
Je suis habillé, à peu près au chaud, j’expédie mon petit déjeuné, un paquet de biscuit et de l’eau minérale qui servira aussi à la toilette. Brossage des dents, visage, oreilles… pas plus avec ce froid c’est déjà une torture. Un coup de peigne et c’est parti, cinq minutes de marche et fini la tranquillité, je descend dans le métro.
Le boulot est en plein Paris. Sans être l’éclate totale, j’ai un poste intéressant et je ne vois pas le temps passer. De toute façon, dans ma province, il n’y a pas de travail, et encore moins dans mon domaine, j’ai donc bien été obligé de m’expatrier dans cette ville de dingues. Je tient ce rythme depuis un mois, c’est aujourd’hui jour de paye… enfin normalement, j’attends avec impatience que Sylvie des RH frappe à la porte de mon bureau pour me donner cette enveloppe récompensant ce mois de labeur. Ensuite tout n’est pas gagné. J’ai essayer d’ouvrir un compte en banque, mais comme je n’ai pas d’adresse à Paris et encore moins de revenus réguliers, tous les banquiers m’ont gentiment demander d’aller me faire voir dans ma province. Je vais donc être obliger d’envoyer mon chèque chez mes parents et croiser les doigts pour qu’il n’y ait pas de pb lors du dépôt sur mon compte. Ensuite seulement je pourrais me faire un vrai repas, le premier depuis un mois. Depuis que je suis ici, c’est grignotage, un jour sur deux. Je rêve d’un steak frittes avec une grande bière. Habiter dans une bagnole un mois, avec juste assez de sous pour ne pas crever de faim, j’ai vécu des périodes plus fastes. Au bureau, quand on me demande où j’habite, j’invente un copain dans une banlieue située à coté d’où j’ai garé ma bagnole, il y a un mois. C’est un coin tranquille. Les gens sont sympa et plutôt accueillants ce qui contraste avec ceux qui sont dans Paris, juste à l’autre bout de mon métro. Je me suis fait quelques potes. Pas toujours évident de communiquer, car ils ne parlent pas bien le français, mais dans la galère la barrière de la langue s’estompe. Mis à part le costard que j’enfile tous les matins, je me sent plus chez moi dans cet univers de cages à lapins que dans la grande ville.
Maintenant que j’ai ma première paye, je vais pouvoir chercher un logement. J’ai juste un gros problème, avec ce que je gagne, je peux avoir un bel appart dans ma province, mais ici, il faut choisir, manger ou dormir. Heureusement, mon pote Ali m’a filé un tuyau : «l’ assistante sociale, Mme Germain va te trouver quelques chose et t’aider à payer». Il me site son cousin fraîchement débarqué de sa brousse, sans un rond, a trouvé tout de suite un deux pièces dans la cité. Il va juste falloir que je me prenne une journée de congés pour aller voir Mme Germain. Le premier mois de travail, je ne pouvais pas demander des congés, maintenant, je devrais pouvoir négocier une petite journée, sans trop me faire mal voir.
Un mois et demi que je dors dans ma bagnole. En ce moment il fait moins froid, le réveil est moins compliqué. Les flics me cassent un peu moins les pieds, je déplace mon palace deux ou trois fois par semaine, et ils sont contents. Maintenant que j’ai un peu de sous sur ma carte bancaire, je me suis payé quelques steak frittes, et j’invite souvent mes potes à boire un coup. Dans la cité, j’ai du sans le savoir me faire copain avec les bonnes personnes, car je n’ai aucun des ennuis dont on me parle tant au boulot. J’ai enfin ma journée de congé. J’aurais pu me contenté d’une demi-journée, mais avec le trajet pour aller au boulot, cela aurait été trop juste, d’autant plus que Mme Germain me reçois à 11H au lieu des 9H30 prévus. Je lui expose mon cas. J’habite dans ma voiture depuis un mois, je ne gagne pas assez pour payer un loyer dans Paris. J’ai éplucher les petites annonces, quand je trouve quelque chose qui pourrait passer financièrement, on me demande mes six dernières fiches de paye, des tonnes de papier que je n’ai pas en me disant que je suis cinquante troisième sur la liste d’attente. En plus avec mon boulot, je n’ai pu aller voir pas mal d’offres intéressantes, car se sont des agences qui ne sont ouvertes qu’aux heures de bureaux, justement quand je bosse. Bon, je lui décrit ma galère en long en large, en travers. J’ai du boulot, je suis payer correctement, mais pas suffisamment pour trouver un logement, donc j’habite dans ma bagnole.
Elle m’explique qu’elle est submergé par des demandes comme la mienne, et qu’elle est obligé de gérer comme elle peut. Les plus démunis passent avant, et elle m’indique les instructions qu’elle a. En priorité ceux qui viennent de loin et qui n’ont rien, et bien sûr les familles avec enfants. Je lui explique que je viens de loin, du fin fond de ma province, mais elle me fait comprendre que la majorité des gens du quartier viennent de beaucoup plus loin. En plus je suis seul, je sent le désespoir m’envahir. En se baladant, Ali m’avait montré quelques appart libres, je sort donc cette dernière carte. Et là surprise, ces apparts sont réservés. Mme Germain m’explique que de des familles en détresses arrivent régulièrement de pays lointains, et qu’il faut les loger tout de suite. Elle doit donc toujours avoir des logements libre pour ces urgences.
Je sort de ce rendez-vous désespéré, et avec un sentiment de colère qui monte. Mes parents, ma famille finance le système social en France et là, j’aurais besoin d’un petit coup de pouce, et on me dit que je ne viens pas d’assez loin, en gros, retourne dans ta province. Tout en marchant désespéré et très énervé, je croise Ali, mon pote qui me demande des ,nouvelles. Et là presque à l’engueuler, je lui explique que lui ou sa famille trouvera toujours à se loger gratuitement en France, mais que moi Français, je peux aller me faire voir. Finalement, la raison reprend le dessus, je lui explique qu’il n’est pas responsable. Le système est fait comme cela, et qu’il aurait tort de ne pas l’utiliser tel qu’il est, et qu’a sa place j’en ferais autant. La France à toujours été une terre d’accueil et il faut qu’elle continue à l’être.
Il faut évidement éviter que ces nouveaux arrivants deviennent des marginaux. Mais il faudrait aussi, tout faire que ceux qui sont déjà là, depuis longtemps n’en deviennent.
De plus en plus de français deviennent des marginaux dans leur pays, le social c’est aussi éviter cela. Les moyens sociaux sont en baisse, il est peut être temps de revoir les priorités.
Depuis je me suis repris, je me bat contre ce système débile. J’ai réussi à avoir un logement correct, en faisant un faut dossier, fausse fiches de paye, faux nom… J’ai payé les trois premiers mois en liquide, et j’attends de me faire expulser, ce qui devrait prendre deux bonnes années. Je n’oserais jamais faire cela dans ma province, où ma famille à une réputation, jamais la moindre dette, aucun engagement qui ne soit tenu.. un comportement normal ! Mais ici, à Paris, je me sent étranger, j’applique donc les règles et coutumes locales, je ne respecte rien, et tout ce passe bien. De temps à autres, le soir quand je suis fatigué, je prend le métro, et je retourne dans MA banlieue. Je sais ou trouver Ali et ces copains, on discute, on bois un coup, je retrouve un peu de ma province durant deux ou trois heures.
Il m’arrive de retourner dans ma province pour quelques jours. J’ai même invité Ali et sa femme qui étaient étonnés de découvrir la vraie France, ils n’avaient jamais quittés la région parisienne. Depuis il fait des plans pour visiter des régions de France, et je prends un immense plaisir à lui expliquer mon pays, qui finalement sera aussi celui de ces enfants, s’ils sortent de leur ghetto…
Dans mon domaine tout est concentré sur Paris. Mais ici en dehors du boulot passionnant, rien ne m’attire. Un client m’a proposé le même type de poste à 12000km de Paris. Je pense que je vais prendre l’avion et accepter sa proposition. Je sent que je vais me faire plein de copains et enfin mener une vie normale.
Je vous laisse réfléchir